Il s’était levé sans réveiller sa femme.
Autant la laisser dormir et rêver longtemps,
Autant la laisser glisser vers d’autres temps.
Il a pris ses clefs, son blouson, sa routine.
Les rues carillonnaient de bonjours en smartphones.
Les journaux bégayaient nos vies en vitrines.
Encore une fois la même journée d’automne,
Trop occupée pour savoir que le ciel est gris
Trop de cases à cocher, rien pour être surpris
La vie des kamikazes, c’est sans intérêt
À part leur mort, qui articulera leur nom ?
Après était déjà là, déjà maintenant
Avant de mourir en tuant, toujours priant
Pour s’abasourdir : à quoi pensent-ils quand
Ils vont salir le nom porté par leurs enfants ?
Un jour de contrôle, la vie ne fait pas de brouillons,
Khader et Djamila suaient sur les questions
Sous le regard des uns, les sourires des copains
Puis ce temps passé à s’hidjaber en sortant
Les états d’âme des kamikazes ? Foutaises !
À la place du cœur, un diktat pour prothèse…
Il s’était levé sans réveiller ses enfants
Autant les laisser dormir et rêver longtemps.
Aura-t-il une fière veuve de son Pur
Devra-t-elle remplacer sa porte par un mur ?
Noyer son chagrin dans l’alcool, ce serait trahir
En plus son chagrin, est soupçonné de mentir
Elle a rangé son visage loin des journaux
Discrète comme sa burqa, ses volets clos.
Survivre aux kamikazes, est-ce une vie ?
Dans leur monde, la mort seule fait envie
Leurs affiches montrent leurs visages souriants
Grappes de fruits jurés célestes, trop souvent
Ils marchent dans un paradis artificier
Leurs corps blessés, belle couronne de laurier,
De sang, forgent leurs médailles, mascarade
Dans leur rouge, leur vert, le soleil est fade
Un scrupule qu’une sourate dispersera.
Au pays clos des certitudes, c’est comme ça
Chez nous, dans la masse des journées en gravats
S’émiettent les enfants des morts pour Allah