Qu’importe la nuit, qu’apporte la pluie,
Qu’on emporte la suie, les porcelaines.
Allez ! Libérez le marbre de ces biscuits.
Sur les carapaces vernies des tortues de mon muséum,
Je compte en braille les décalages horaires.
Le soir est un stylo qui fuit de pourpre et de noir.
Une cadence parfois chute avec des mots,
Des découpes de morceaux de radio,
La toccata du rasoir nettoyé sans peine,
Déjà engloutis dans le siphon du lavabo,
Déréglée.
Les « plus tard » cachent des pages vierges :
La bouche clinquante de l’émail lavé
Une fois perdue l’encre des plumes rincées
Le linge volète essoufflé d’une main au clou.
Voilà.
Rilke aurait fait danser tout ça d’un geste :
Ni au loin ni là-bas : ici, trousseau placé là
Il savait mesurer le pur instant,
Une goutte de pluie en guise d’étalon
Tout lui devenait tempo, perfusion des heures,
Sablier
L’encre ne coule plus. Les poupées méditent
L’aube tombe en javelle, dispersant les rêves.
Pauvre de tout ce qui refuse d’apaiser, lui :
Poète
Ni au loin ni là-bas : ici, un bloc posé là
Certains font passer les silences aux aveux
Dès le réveil, les horloges perlent du sang.
Sur une faïence blanche, quelques cheveux
Tombés
Tout a signé nos passages, mais où es-tu ?
Patience, mesure, nombres et un peu plus tard,
Rilke savait compter sur les flaques, têtu :
Poète
Ni au loin ni là-bas : ici, entier posé là
Les jours sont des gerbes de roses :
Serre leurs piquants à pleins bras : ils s’évadent !
Tantôt ces roses se vengeront de tes baisers
Volés,
Non par leurs épines, mais par leurs regards,
Lâchant leurs mots tranchants du bout des corolles.
Tavelée, la peau gagnera sur les cheveux
Oubliés,
Ni au loin ni là-bas : ici, bouquets posés là…
Sur la faïence blanche, parmi les pétales tombés,
Émaillant en rouge sang en goutte-à-goutte
Les indices du rasage, au petit jour se suivent.
Sablier
Tu peux sortir les flèches des horloges,
Ôter les épines des ronces. Où seras-tu,
Quand les bouquets seront fanés,
Exemple ?
Ni au loin ni là-bas : ici, massif posé là…
Un jour, je marcherai libre dans le temps,
En amont comme en aval,
Parfois je m’allongerai dans une brassée de secondes.
Mélangées
Mes nuits seront blondes, mes aurores brunes.
Dans l’évier rempli d’eau, des gerbes de fleurs,
Mes clepsydres, seront des mélodies.
Jetées.
Ni au loin ni là-bas : ici, gerbes posées là
Les décomptes, à force de louvoyer,
Mélangeront l’avant et l’après,
Les surprises et les patiences, jusqu’au pur instant
Chanté.
Un jour, le bois des trois fois rien en pétales
Sera sans échardes, en paupières, retenant
Pour moi les années, ou les minutes
Oubliées
Ni au loin ni là-bas : ici, bouquet placé là
L’épine des roses ne protège plus de rien
Sinon de cet instant s’écoulant sur l’évier
Carmin avec un reflet, un temps revenu
Saigné.
Aucune aiguille sur le cadran de la lune
Ou du soleil débusqué par le chant d’une pie
Miroirs, éclats, aube ? Fards où le matin perle,
Vaincus
Au loin comme là-bas : ici, broyés, dérangés, là.
Rilke est venu.
Nota
M. Charles Awaky, je ne n'ai pas reçu votre message. Essayez via Facebook, qui sait ?